lundi 13 octobre 2014

Rojo ne lâche jamais

Rojo ne lâche jamais
© AFP
"Celui qui abandonne n’a pas de récompense". Cette phrase est imprimée sur le protège-tibia gauche de Marcos Rojo et il a décidé de la faire graver sur un drapeau argentin avant la dernière Coupe du Monde de la FIFA™. Marquitos, qui jouait sur un bout de terrain d’un quartier défavorisé de La Plata, qui se rendait aux entraînements à vélo alors qu’il était déjà passé pro, qui vivait il y a encore cinq ans dans la maison en bois de ses parents, n’a jamais lâché. Et c’est à Brésil 2014 qu'il a reçu sa récompense en faisant partie des joueurs les plus en vue de l’Argentine, finaliste face à l’Allemagne.
Aujourd’hui, il a signé à Manchester United, à l'âge de 25 ans. Il semble loin le temps où le sélectionneur argentin, Alejandro Sabella, abordait Brésil 2014 avec une défense critiquée de toutes parts, avec Rojo faisant partie des principales cibles. Si le sélectionneur le protégeait, c’est qu’il le connaît comme personne. Roberto Sensini l’a fait débuter à Estudiantes de La Plata à 18 ans, mais c’est bien Sabella qui lui a permis de s’affirmer dans l'élite du football argentin une année plus tard.
L’équipe boitait à gauche et a entrepris de trouver des solutions dans le centre de formation pour équilibrer son 5-3-2. Il y avait bien Marquitos, formé au poste de défenseur central depuis de longues années, mais Sabella a vu en lui des aptitudes suffisantes pour l’excentrer et a tenté le pari. Plus jeune, Rojo avait aussi joué milieu gauche : "J’aimais bien déborder ligne de fond et finir les actions."
Réussir pour aller de l’avantEnsemble, Sabella et le néo-Mancunien ont remporté la Copa Libertadores 2009. Avec l’argent qu’il a gagné à cette occasion, Rojo a acheté pour sa famille sa première maison en dur, un objectif qu’il s’était fixé très jeune. Quelques mois plus tôt, Rodrigo Braña, un coéquipier d’Estudiantes plus expérimenté, l’avait croisé sur la route du centre d’entraînement. "Pourquoi tu n’as pas de voiture ?", avait demandé Braña, le voyant une nouvelle fois à vélo. La réponse avait surpris le milieu de terrain : "Parce que je n’ai pas de maison". Le fils aîné de Marcos Alberto, chauffeur routier qui a poursuivi son activité, et Carina, ancienne employée domestique et couturière qui n’a jamais cousu que les vêtements de ses cinq enfants, ne pensait qu’à une seule chose : économiser pour offrir un toit à ses parents.
Cette même année, il a disputé la prolongation du grand match livré par Estudiantes face au FC Barcelone de Pep Guardiola en finale de la Coupe du Monde des Clubs de la FIFA. À cette occasion, il a eu le privilège de marquer un certain Zlatan Ibrahimovic, un duel dont il s’est plutôt bien sorti malgré la défaite finale. Une fois devenu une pièce inamovible du onze pincharrata, il a remporté le Tournoi d’ouverture 2010, toujours sous la houlette de Sabella et en marquant des buts importants.
À 20 ans, il a abandonné le club de son cœur pour rejoindre le Spartak Moscou. Il a bien démarré et rapidement obtenu la confiance de l’entraîneur, Valeri Karpin, mais il a fini par se brouiller à l’occasion de la Copa América 2011. Alors que son club ne voulait pas le laisser partir, Rojo a décidé de répondre à la convocation de son équipe nationale. À son retour, Karpin ne l’a plus jamais aligné et c’est au Sporting Portugal qu’il a échoué en 2012.
C’est plus ou moins à cette époque que Sabella a pris les rênes de l’Argentine. Rojo s’est alors vu confier le couloir gauche alors qu’il avait retrouvé la charnière au Portugal. Les matches se succédaient et l’impression de son sélectionneur différait complètement de celle que les médias relayaient auprès de l’opinion publique à son sujet. Au cœur de la tempête, il a décidé de se faire tatouer sur la cuisse les mots Pride (fierté) et Glory (gloire). C’est également à cette époque qu’il a fait graver ces protège-tibias. "J’ai senti que les gens remettaient en question ma présence. On a dit beaucoup de choses, mais j'ai toujours eu confiance en moi. Je savais qu'avec du travail, tout se passerait bien", confiait-il.
"Marcos est plus grand que Pelé"
Pour ces débuts en Coupe du Monde, face à la Bosnie-et-Herzégovine, Rojo a dévié de la tête le centre qui allait donner lieu au premier but albiceleste dans la compétition et dégagé d’un coup du foulard une action dangereuse dans la surface. Les réseaux sociaux ont alors explosé en Argentine, certains pour moquer cette inconscience et d’autres pour louer son audace. C’est là que l’histoire d’amour a commencé.
On s’est mis à le trouver solide et mordant au marquage, très présent dans le jeu aérien défensif, efficace dans la relance et, sans être une menace perpétuelle, utile dans ses remontées balle au pied. Auteur d’un but du genou face au Nigeria pour clore le premier tour, il a encore mis le feu aux réseaux sociaux. Comme pour se faire pardonner, les supporters ont alors adapté Brasil, decime qué se siente,le chant qu’ils ont scandé inlassablement pendant toute la compétition : "A Marquitos vas a ver, la Copa nos va a traer, Marcos Rojo es más grande que Pelé” (Tu vas voir jouer Marquitos, Il va nous ramener la Coupe, Marcos Rojo est plus grand que Pelé).
Suspendu lors du quart de finale contre la Belgique, il a fait craindre le pire chez les fans. Mais il a retrouvé le terrain en demi-finale, face aux Pays-Bas, et muselé complètement Arjen Robben, à qui il a même fait un petit pont. Nouvelle explosion de joie chez les supporters. Après la finale contre l’Allemagne, énième surprise avec sa présence dans le top 10 du Castrol Index (le seul Argentin) et dans le onze idéal de la compétition.
Après avoir reçu son visa de travail, Rojo est sur le point de débuter à Manchester United, où il est arrivé à la demande expresse de Louis van Gaal. Le technicien a eu tout loisir de l’étudier pendant la demi-finale de Brésil 2014 et il a aimé ce qu’il a vu. "Je n’ai pas encore pu fouler la pelouse d’Old Trafford. Je meurs d’envie de jouer dans ce stade", annonce Rojo. C’eût été impossible d’imaginer un tel présent pour l'enfant qui jouait sur le terrain La Manito de Dios, dans le quartier El Triunfo de La Plata, mais il a eu l’avantage de ne jamais lâcher. Et il en obtient la récompense.

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